LES
TOUAREGS DU NIGER "
.....Quand je suis né , probablement vers le
début de
la saison des pluies de l'année 1950,nous vivions
donc
sagement retirés, tout à nos affaires nomades.
J'appartiens à la tribu des Iforas. Notre campement se
trouvait
dans l'oued de Tidène, à 100 km au nord d'Agadez
dans
l'ouest de l'Aïr. Mon père était
chamelier et ma
mère s'occupait de ses chèvres et de
l'éducation
de ses sept enfants.Avant la scolarisation, je connus l'enfance
heureuse des campements.Que de souvenirs ! Ceux de gamins pauvres
jouant aux billes avec les crottes séchées des
chameaux.
Souvenirs des premiers mots tamasheq que ma mère m'appris
à dessiner en tefinagh, notre écriture, sur le
sable des dunes. Souvenirs aussi de toutes ces veillées
autour du feu.
extrait
de
" Touareg, la tragédie " de Mano Dayak - Editions
Lattes 1992Avec mon père et Ebayghar, ce fut l'école du désert: l'apprentissage des pistes de la navigation à l'aide du vent et des étoiles. Toute une science nomade pour acquérir la connaissance des lieux, des oueds de l'Aïr, des énormes dunes du Ténéré. Une géographie ancestrale , intime du sahara, notre univers. Chaque fois que je repense au désert de mon enfance, je me sens triste et nostalgique. Je vois comme une espèce d'image, un rêve très beau que je regrette, que j'ai envie de retrouver, de toucher de mes mains et de mon âme. Je ne sais pas comment mieux écrire une sensation pareille. Elle est si difficile à faire comprendre et à partager. Né au désert, on y reste profondément attaché, quoi qu'on fasse par la suite. Celui qui part garde quelque part son oued à lui, son paradis qui l'attend. Il y a un proverbe touareg qui dit "où qu'il aille, le nomade reviendra toujours à son premier campement". C'est si vrai. ......" Après avoir quitté son pays pour étudier aux Etats-Unis et en France, Mano Dayak y revient pour y créer son agence de tourisme. Durant la rébellion de 1990, il s'engage pour défendre son peuple. Il meurt en décembre 1995 dans un accident d'avion. " Lors des veillées,
nous vibrons tous aux récits, aux chants, aux
poèmes
racontant les exploits des Touaregs qui ont su vaincre les
épreuves, dans le respect de soi, même dans
l'adversité, racontant aussi leurs histoires d'amour. Pour
les
accompagner, un instrument est à l'honneur: l'imzad, le
violon.
extrait de
"Touareg du XXIème siècle" de Issouf
Ag MahaAujourd'hui, dans notre campement c'est ma belle-soeur Taoni qui joue cet instrument magique.Ma mère aussi en a joué et m'a appris plusieurs poèmes qui l'accompagnent. Cet instrument joue un rôle central, primordial dans notre culture qui, si elle n'a pas de code écrit, possède un code de conduite morale appelé achak. Quoiqu'il soit particulièrement difficile, voire prétentieux, d'expliquer avec précision et dans une langue étrangère la notion d'achak, on peut la définir comme "l'ensemble des règles sociales que chacun doit observer pour la pérennité de la société". Ce sont, entre autres, dans l'environnement extrêmement hostile qui est le cadre de vie du Touareg, la solidarité, la protection de la femme et de l'enfant sans tenir compte de leur appartenance ethnique ou raciale, la protection et le respect des personnes âgées. Achak impose à chacun un comportement digne dans la perspective d'affronter les difficultés ambiantes : la soif, la fatigue, le désespoir, la maladie ou le chagrin. Pour matérialiser cet esprit, achak a été inféodé à un instrument de musique : l'imzad, ou le violon touareg monocorde, uniquement joué par les femmes". Editions Granvaux - 2ème édition août 2006 Issouf Ag maha, maire de Tchighozérine, né "vers 1962" , décrit la vie de cette génération de Touaregs qui a connu les craquements d'une culture malmenée par les bouleversements de l'histoire: les coups d'états, la scolarisation, la rébellion et surtout les terribles sécheresses. page suivante |